BIOTECHNOLOGIES

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Sous le terme biotechnologie, on désigne habituellement tout un ensemble de techniques qui visent à l’exploitation des micro-organismes, des cellules animales et végétales et de leurs constituants, tels que les enzymes, pour la production de biens et de services.

Les biotechnologies sont issues des méthodes ancestrales de préparation d’aliments et de boissons fermentées, demeurées totalement empiriques jusqu’aux travaux de Louis Pasteur (1822-1895) qui fondaient la microbiologie en tant que science débouchant sur une pratique industrielle rationnelle. C’est à partir du milieu du XXe siècle que les progrès de la biologie fondamentale ont approfondi la connaissance du métabolisme des cellules vivantes et permis la maîtrise croissante de leur fonctionnement. L’utilisation des méthodes de la biologie dite «moléculaire» contribue à donner aux biotechnologies les caractéristiques de ces «technologies du futur» capables, au même titre que la micro-informatique et la robotique, de transformer à terme la vie des individus. Le potentiel de développement des méthodes biologiques modernes annonce des changements majeurs dans les domaines du médicament et de la santé, de l’alimentation et dans l’agriculture. Les biotechnologies apportent des éléments de réponse à quelques-uns des grands problèmes de notre planète: la malnutrition, la maladie, le coût de l’énergie, la pollution.

1. Conditions du développement des biotechnologies

Conditions scientifiques

Un des événements majeurs des années 1960 a été l’élucidation du code génétique des cellules vivantes, c’est-à-dire de la correspondance formelle entre séquences de nucléotides et séquences d’acides aminés, ce qui nous permet de disposer d’une représentation globale au niveau moléculaire des modalités de l’expression des gènes. Ces travaux, réalisés à l’origine sur la bactérie Escherichia coli , apportaient une clé essentielle pour appréhender dans une perspective physico-chimique l’ensemble des phénomènes vitaux. La génétique, devenue moléculaire, a acquis une nouvelle dimension, grâce aux progrès accomplis dans la chimie de synthèse des acides nucléiques et à l’emploi des enzymes de restriction, protéines capables de couper en des sites spécifiques les chaînes d’acide désoxyribonucléique (ADN), support moléculaire de l’information génétique.

N’importe quel fragment d’ADN peut être introduit dans n’importe quelle cellule pourvu que l’on dispose du vecteur capable de le transférer (virus, plasmide). N’importe quel gène peut être isolé et sa séquence déterminée, puis ajoutée à d’autres gènes selon des protocoles entièrement déterminés.Il devient alors possible de transformer des bactéries, des levures, ou tout autre micro-organisme approprié pour les fermentations, en une petite usine biologique spécialisée dans la synthèse de tel ou tel produit: des produits issus de micro-organismes reprogrammés par génie génétique sont apparus (interférons, hormone de croissance, insuline...).

Quelques dates illustrent la rapidité du développement des biotechnologies:

– 1973, publication des travaux de Stanley Cohen et Herbert Boyer sur l’ADN recombinant qui ouvrent la voie au clonage et à la transgenèse;

– 1975, publications des travaux de Georg Köhler et de César Milstein sur la technique des anticorps monoclonaux;

– 1982, mise sur le marché d’insuline humaine obtenue à partir de micro-organismes génétiquement modifiés;

– 1985, premiers dépôts de brevets sur la technique d’amplification génique, la P.C.R. (Polymerase Chain Reaction);

– 1988, délivrance aux États-Unis du premier brevet sur un animal transgénique (une souris)

– 1995, délivrance aux États-Unis d’un brevet sur la thérapie génique ex vivo.

Le développement, entre 1976 et 1980, des techniques permettant de déterminer les séquences d’ADN, c’est-à-dire les séquences d’acides nucléiques constitutifs des gènes, représente un tournant capital de la génétique moderne. Les années 1980 ont vu apparaître les premiers séquenceurs automatiques d’ADN ainsi que les premières machines automatisées pour la synthèse de gènes. Une autre innovation majeure découle du séquençage: il s’agit de la technique d’amplification génique, la P.C.R., qui permet de reproduire in vitro une séquence d’ADN plusieurs millions de fois en quelques heures. Cette technique est très utile pour détecter des séquençages rares à partir de petits prélèvements. Elle augmente, de plusieurs ordres de grandeur, la sensibilité des tests de détection par les oligonucléotides. Dans le domaine analytique, d’autres méthodes très fines mettent en œuvre des sondes nucléiques basées sur le phénomène d’hybridation, c’est-à-dire l’association qui s’établit entre deux brins de séquences complémentaires d’acides nucléiques. Le brin dont on connaît au moins un fragment joue le rôle de sonde, l’autre brin, celui qu’on souhaite caractériser, constitue la cible.

La connaissance des séquences nucléiques de l’ADN correspond au niveau le plus fin de l’information génétique. Elle permet de localiser les gènes et de déduire la séquence en acides aminés de la protéine correspondante. Les progrès de la biologie moléculaire et de l’informatique appliquée à la comparaison des séquences (la bio-informatique) ont révolutionné la recherche en ce domaine. Les données sont stockées dans des banques de séquences dont la consultation se fait par voie informatique directe (réseaux, Internet) ou à partir de supports (disquettes, CD-ROM). La constitution et l’accès aux banques de données de séquences jouent un rôle important dans les programmes de coopération internationale.

Les progrès de la génétique moléculaire sont à l’origine des ambitieux programmes «génomes» lancés dans les années 1980 d’abord aux États-Unis, puis en Europe et au Japon, et qui mobilisent des milliers de chercheurs. Un des premiers résultats obtenus a été le séquençage complet d’un micro-organisme modèle, saccharomyces cerevisae , plus communément appelé levure de boulanger. Pour la première fois, les généticiens disposent, sous la forme d’un texte de 12 millions de caractères, de toute l’information génétique qui permet la vie d’une cellule eucaryote, c’est-à-dire le fonctionnement cellulaire d’un organisme complexe. Il devient possible d’étudier la structure du génome d’un être vivant, son patrimoine héréditaire, d’isoler ses gènes et d’en caractériser la structure fine.

La carte génétique du génome humain, publiée en 1996, a déjà permis de localiser les gènes responsables de nombreuses maladies. Il s’agit aussi bien d’anomalies touchant un seul gène (mucoviscidose, hémophilie) que d’altérations de plusieurs gènes participant à la formation de tumeurs cancéreuses.

L’exploration du génome des plantes progresse également à partir de l’étude de plantes modèles choisies par la communauté scientifique internationale (riz, arabidopsis thaliana , etc.). Le déchiffrage du génome des plantes constitue un des enjeux majeurs de l’agriculture du XXIe siècle. Alors que les méthodes classiques de sélection atteignent leurs limites, la génétique moléculaire apporte de nouvelles possibilités. Elle permet de repérer directement les gènes au niveau de l’ADN, et non plus par leur expression phénotypique. C’est ainsi que peuvent être identifiés et isolés les gènes qui contrôlent des caractères agronomiques importants tels que la précocité, le rendement, la résistance aux virus pathogènes, etc. Il est ensuite possible d’améliorer une plante donnée en y introduisant, par transformation génétique, des gènes choisis en fonction de leur intérêt.

Si la génétique moléculaire est, par bien des aspects, un des courants les plus riches de la biologie, d’autres approches plus classiques connaissent également des développements très rapides. C’est le cas des cultures de cellules animales et végétales dont la maîtrise est en mesure de transformer notre compréhension de la biologie normale et déviante des espèces animales et végétales. La fusion de cellules en culture est une technique déjà très employée; lorsque les noyaux des cellules fusionnées s’unissent, on obtient un hybride somatique qui peut se cultiver et se perpétuer, cumulant dans une même unité les avantages des cellules mères. C’est ainsi que la fusion de certaines cellules tumorales avec des lymphocytes producteurs d’anticorps conduit à la création d’hybridomes «immortalisés» producteurs d’anticorps spécifiques, d’un intérêt considérable en matière de diagnostic médical, et à plus long terme en thérapeutique humaine.

En fait, l’utilisation des potentialités du monde vivant n’en est qu’à ses débuts. L’ensemble extrêmement riche et varié des micro-organismes et des cellules animales et végétales constitue un réservoir extraordinaire d’acteurs susceptibles de contribuer à la mise en œuvre de procédés industriels nouveaux.

Le passage au stade de l’application industrielle est assuré par une série de travaux multidisciplinaires, regroupés sous les vocables de «génie microbiologique» et «génie enzymatique», destinés à placer les souches de micro-organismes ou de cellules dans des conditions telles qu’elles puissent exprimer au mieux les caractéristiques recherchées. Les systèmes de production font appel à des bioréacteurs dont la capacité va de quelques centaines de litres à plusieurs centaines de mètres cubes, assistés par des systèmes de contrôle et de régulation automatisés, associés à des dispositifs très performants d’extraction et de purification des produits formés.

Conditions structurelles

La possibilité clairement démontrée de concevoir des systèmes de production biologique selon des schémas rationnels est une des raisons de l’intérêt porté aux biotechnologies par les pouvoirs publics, les entreprises et les milieux financiers de la plupart des pays industrialisés. C’est ainsi que des programmes nationaux ont été mis en place, entre 1985 et 1990, en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, aux Pays-Bas et dans le cadre des instances européennes. Aux États-Unis, se sont créés de nombreux centres de biotechnologies, structures d’interface qui favorisent la mobilité des chercheurs entre les universités et les entreprises.

Une des originalités des biotechnologies réside dans l’existence d’un tissu de jeunes entreprises de tailles, de structures et de vocations diverses. Souvent créées par d’anciens chercheurs d’organismes publics, ces sociétés fondent leur développement sur la haute qualification de leur personnel. Ce phénomène, qui a pris naissance aux États-Unis dans les années 1980-1985, s’est progressivement répandu en Europe. Simultanément, les grandes sociétés chimiques, agroalimentaires et pharmaceutiques ont investi dans leurs propres départements de recherche en biologie.

Si les procédés biologiques présentent de grands avantages par leur diversité, leur facilité d’adaptation à des activités économiques variées et leur relativement faible demande en énergie, ils n’en demeurent pas moins soumis à des contraintes de nature technique, économique et réglementaire qui doivent être surmontées, sous peine de retarder leur mise en application industrielle, particulièrement en ce qui concerne les productions de masse.

Au point de vue technique, les changements d’échelle correspondant au passage du tube à essais à la production pilote posent des problèmes parfois très difficiles à résoudre. Sur le plan économique et financier, les procédés biologiques de production de masse s’apparentent à ceux de l’industrie lourde et demandent en général de coûteux investissements. Les prix des matières premières (amidon, sucres), habituellement utilisées dans les procédés biologiques, constituent également un facteur d’incertitude dans la mesure où ils fluctuent non seulement en fonction de réglementations particulières – c’est ainsi dans les pays membres de l’Union européenne – mais encore de l’évolution de l’économie agricole et de la spéculation. Le cas du sang, utilisé comme matière première pour la préparation de substances actives et de produits immunologiques, pose un problème particulier dans la mesure où il est prélevé sur des donneurs qui, selon les pays, sont bénévoles ou rétribués. À terme, les progrès du génie génétique permettront d’éliminer le recours au sang humain pour la préparation des composants actifs du plasma.

L’aspect réglementaire est très important pour une grande partie des produits issus des biotechnologies qui sont du domaine de la santé ou de l’agroalimentaire, et donc soumis à des procédures d’autorisation nécessitant des études toxicologiques très poussées qui peuvent retarder de plusieurs années leur mise sur le marché.

La propriété industrielle en biotechnologie passe par la protection de systèmes vivants porteurs d’information génétique qui intègrent en eux-mêmes un savoir-faire considérable et pour lesquels les règles de propriété industrielle sont encore mal adaptées. Les progrès des biotechnologies sont jalonnés par des dépôts de brevets qui, pour certains, ont suscité de fortes contestations sur la base de considérations morales ou techniques. Citons, à titre d’exemple, la tentative de l’Institut national de la santé des États-Unis de breveter des séquences d’acides nucléiques constitutives du génome humain. La participation du monde industriel aux multiples projets de séquençage du génome pose en permanence le problème de l’accès à ces séquences et de la «brevetabilité» des gènes. Cette spécificité de la propriété industrielle en biotechnologie fait l’objet de négociations et d’approches parfois divergentes entre les pays européens et les États-Unis.

Comme pour toutes les technologies nouvelles, l’utilisation des techniques du génie génétique présente des risques potentiels qui doivent être évalués et contrôlés. La nature des dangers potentiels, que font courir aux êtres vivants les micro-organismes modifiés génétiquement, a été analysée avec attention aux États-Unis et dans les autres pays industrialisés. Tout un ensemble de précautions à prendre en recherche et lors de la manipulation de volumes importants de cultures microbiennes ont été définies en 1976 et revues périodiquement depuis. Dans ces différents pays, un comité de spécialistes donne, cas par cas, un avis sur les règles de confinement que doivent respecter les projets de recherche et de développement. L’usage des techniques du génie génétique s’est progressivement banalisé dans les laboratoires et dans l’industrie. Bien que la réglementation se soit assouplie, certains des risques évoqués dans les années 1970 subsistent, notamment en ce qui concerne les recombinaisons possibles entre génome et virus, d’où les mesures de confinement prises pour la transgenèse et la thérapie génique. Une autre préoccupation concerne les effets à long terme sur les écosystèmes de la dissémination d’organismes génétiquement modifiés. La Commission européenne a publié, en 1990, deux directives qui réglementent l’utilisation et la dissémination d’organismes génétiquement modifiés. En France, la loi du 13 juillet 1992 confie la procédure d’autorisation, selon le cas, à la Commission de génie génétique placée sous la tutelle des ministères chargés de la recherche et de l’environnement, ou à la Commission du génie biomoléculaire placée auprès des ministères de l’Agriculture et de l’Environnement .

2. Grandes branches d’activité biotechnologique

Les biotechnologies interviennent dans tout un ensemble de filières de production: la pharmacie, l’agriculture, l’agroalimentaire, la chimie, l’énergie et la protection de l’environnement. Les biotechnologies traditionnelles regroupent les fabrications d’aliments et de boissons fermentées, la fabrication industrielle des antibiotiques avec la mise en œuvre d’hémisynthèses, couplages de réactions biologiques et de synthèses chimiques. Certains des produits obtenus par voie biologique bénéficient, sur le plan mondial, d’un marché important: c’est le cas des antibiotiques pour le domaine pharmaceutique et des semences pour l’agriculture. D’autres produits, comme les enzymes, les dérivés de l’amidon, les acides aminés correspondent également à des marchés relativement larges. Viennent ensuite les médicaments d’origine immunologique (les vaccins viraux et bactériens), les réactifs pour l’analyse biologique et le diagnostic médical, certains carburants et composés chimiques pouvant se substituer aux dérivés du pétrole. Dans tous ces secteurs, les progrès de la biologie moléculaire donnent accès à de nouveaux produits et apportent des améliorations aux procédés classiques.

Médicaments et santé

Les techniques biologiques apportent un souffle nouveau à l’ensemble de la recherche pharmaceutique. Elles permettent non seulement de simplifier des synthèses (préparation des hormones stéroïdes par hémisynthèse) ou de se libérer des contraintes d’approvisionnement inhérentes aux produits extraits d’organismes humains ou animaux (insuline, hormone de croissance), mais surtout, elles donnent la possibilité d’obtenir des produits nouveaux en quantité suffisante pour effectuer des essais cliniques sur une grande échelle (interférons, lymphokines, hormones).

Il devient enfin possible, grâce aux biotechnologies, d’envisager une véritable stratégie préventive contre les maladies en s’appuyant sur le diagnostic et la vaccination. Les bioréactifs à base d’anticorps monoclonaux couplés à des enzymes (réactifs immuno-enzymatiques) sont devenus l’outil indispensable de tous les laboratoires de biologie. En médecine humaine et animale, le développement de vaccins contre n’importe quel micro-organisme est théoriquement à la portée des biologistes moléculaires, dès lors que l’on sait quel est l’antigène protecteur que l’on doit inclure dans le vaccin. Le vaccin contre l’hépatite B a été le premier vaccin humain issu du génie génétique. Les techniques de génétique moléculaire sont diffusées dans les hôpitaux, qui sont aujourd’hui pour beaucoup équipés d’un service d’analyse génotypique. Les laboratoires d’analyses médicales peuvent, de leur côté, établir des diagnostics grâce à des analyses d’ADN.

La thérapie génique, qui est considérée comme le traitement du XXIe siècle, vise à introduire dans les cellules humaines somatiques un gène étranger, le «transgène», qui peut suppléer un gène anormal responsable par exemple d’une déficience enzymatique. Elle peut aussi aider le système immunitaire à éliminer un cancer ou une infection virale. L’introduction du transgène dans les cellules peut se faire ex vivo ou in vivo. La thérapie génique ex vivo consiste à prélever des cellules sur le patient, à les modifier à l’extérieur du corps, puis à les réimplanter dans son organisme. Dans la thérapie génique in vivo, le gène correcteur est administré au patient lui-même et non à des cellules en culture. Le gène est délivré par injection, par «cathétérisation» ou par instillation d’un aérosol. Ces méthodes nécessitent la mise au point de systèmes de transfert de gènes utilisant, soit des vecteurs biologiques tels que des virus modifiés ou des liposomes, soit des procédés physiques.

Agriculture et élevage

C’est sans doute dans le domaine des productions animales et végétales que les biotechnologies sont en passe d’apporter les changements les plus remarquables, sans pour autant remplacer les techniques classiques, auxquelles elles apportent un renouveau d’efficacité. La possibilité de cultiver indéfiniment des cellules et des tissus végétaux in vitro est à l’origine du développement de nouvelles méthodes de sélection, de création et de multiplication des plantes. On sait déjà, dans de nombreux cas, reconstituer à partir d’une seule cellule, grâce à un jeu subtil de milieux nutritifs, une plante entière avec racine, tige, feuilles et fleurs, cultivable dans des conditions naturelles. La possibilité de travailler au niveau cellulaire rend plus facile les mutations et élargit le champ des transferts génétiques, d’où un gain de temps considérable par rapport aux méthodes d’hybridation et de recombinaison génétique mises en œuvre à la faveur du cycle de reproduction global de la plante.

Les techniques de multiplication végétative in vitro ont déjà renouvelé totalement le métier du pépiniériste. Ce dernier peut maintenant, en toute saison, cultiver et bouturer sur une grande échelle des microplantes obtenues par culture de cellules ou de méristèmes (amas de cellules situés au niveau des parties terminales des tiges). À titre d’exemple, un pied de framboisier fournit 50 descendants par an par les techniques classiques, par culture in vitro; on en obtient 50 000, et le facteur multiplicatif est encore plus grand pour le rosier, l’œillet et le pêcher-amandier.

L’arrivée du génie génétique a entraîné une véritable révolution dans la recherche agronomique. Les producteurs de semences utilisent maintenant, de façon routinière, les techniques de la biologie cellulaire et moléculaire. La plupart des semenciers ont incorporé des variétés transgéniques dans leurs programmes de sélection, soit pour accroître la résistance aux parasites et aux maladies, soit pour améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits.

Une des techniques utilisées, pour transférer un gène dans une plante, exploite la propriété qu’ont certaines bactéries du sol, (Agrobacterium tumefaciens et A. rhizogenes notamment), d’insérer une partie de leur matériel génétique dans les chromosomes des cellules qu’elles infectent. D’autres méthodes mettent en œuvre des procédés physiques: ultrasons, chocs électriques créant des pores dans la membrane cellulaire (électroporation), bombardement des tissus par des microparticules recouvertes d’ADN (pistolet à gènes). Dans tous les cas, les cellules transformées doivent être ensuite cultivées sur des milieux nutritifs pour régénérer, c’est-à-dire reformer une plante dont toutes les cellules portent le transgène. Il faut ensuite vérifier que le nouveau gène s’exprime, que la nouvelle propriété est stable et qu’elle n’altère pas les autres propriétés de la plante.

Les premières plantes issues du génie génétique sont apparues sur le marché aux États-Unis: coton et maïs résistants aux insectes, tomate à longue conservation, soja et colza résistants aux désherbants. Ce dernier type de propriété fait encore l’objet de controverses dans la mesure où, d’une part, il risque de faire augmenter la consommation d’herbicides, produits toxiques pour l’environnement, et d’autre part, il peut donner un monopole de fait à certains fournisseurs de produits phytosanitaires. Les premières plantes transgéniques mises sur le marché constituent un test vis-à-vis des consommateurs qui, dans certains pays industrialisés, sont réservés sur le principe de la modification génétique des végétaux destinés à l’alimentation humaine.

De très nombreuses variétés transgéniques sont en cours d’expérimentation. Certaines ont pour objectif la réduction de l’utilisation des pesticides en conférant aux plantes la propriété de sécréter naturellement leurs propres insecticides. Une des voies employées, qui dérive des méthodes de la lutte biologique, utilise la propriété remarquable d’une famille de bactéries du sol, Bacillus thuringensis , de produire des protéines insecticides. L’insertion dans une plante des gènes de B. thuringensis , codant pour ces protéines, permet à celle-ci de sécréter naturellement ces protéines protectrices. Plus récente, la technique des planticorps consiste à faire exprimer par la plante un anticorps spécifiquement dirigé contre une protéine indispensable au bioagresseur.

Un autre objectif concerne l’introduction de gènes de qualité contrôlant la maturation, la conservation et même les propriétés organoleptiques des fruits, la composition en huile des oléagineux ou la composition en acides aminés des plantes fourragères. C’est ainsi que l’insertion d’un gène de tournesol dans un plant de lupin entraîne un doublement de la teneur en méthionine et donc de la qualité de cet aliment pour bétail. L’introduction d’un gène peut aussi induire une pigmentation particulière des fleurs et donc présenter un grand intérêt en horticulture. À terme, lorsque les gènes mis en jeu auront été identifiés, il n’est pas impossible que des plantes transgéniques puissent résister au froid, au gel, à la sécheresse, à des sols salés, qu’elles soient capables de fixer l’azote de l’air ou qu’elles puissent produire des composés pharmaceutiques.

L’agrobiologie ne se limite pas à la transformation génétique des semences. Ses autres applications, parfois controversées, concernent la santé et la reproduction animale. Les techniques de transfert d’embryon ont dépassé le stade expérimental et complètent les méthodes classiques d’insémination artificielle. Les recherches sur le clonage animal visent à l’amélioration du cheptel, mais aussi à l’exploitation des animaux pour la production de protéines d’intérêt médical, dans le lait notamment. Le clonage d’ovins, de bovins et de porcs transgéniques a déjà été obtenu. De plus en plus, les animaux transgéniques sont utilisés comme modèles expérimentaux en pathologie humaine. La cartographie génétique des bovins et des porcins, qui est en cours de réalisation, devrait contribuer à accroître l’intérêt pour les techniques de transgenèse animale.

Alimentation humaine et alimentation animale

L’introduction progressive des nouvelles techniques biologiques dans les industries alimentaires des pays industrialisés contribue à développer les contrôles de qualité, à augmenter leur productivité et à éliminer les «accidents» de fabrication.

Les techniques d’immunodétection et d’amplification génique (P.C.R.), jusqu’ici réservées à la recherche de pointe, sont maintenant utilisées pour le contrôle des flores bactériennes pathogènes (listeria , salmonella ). Elles permettent également de réaliser des outils de simulation du comportement des flores microbiennes en fonction des paramètres de fabrication et de conservation des produits. L’ADN devient même un agent antifraude. En effet, l’analyse des séquences d’ADN permet de reconnaître à coup sûr les espèces animales ou végétales qui entrent dans la composition d’un aliment, et donc de vérifier l’authenticité des informations portées sur l’emballage.

C’est dans le domaine de la fermentation de la bière que sont conduites les recherches les plus avancées sur l’amélioration de la qualité et des techniques de production, notamment en modifiant les souches de Saccharomyces cerevisiae par génie génétique. La valorisation des déchets et des sous-produits offre également aux industries traditionnelles des possibilités d’accroître leur rentabilité. Les biotechnologies apportent aussi des solutions au problème de la demande mondiale en protéines. La production, à partir d’hydrocarbures, de bactéries ou de levures desséchées riches en protéines, dénommées protéines d’organismes unicellulaires, est déjà une réalité industrielle dans les pays de l’Est.

Toute une industrie se développe à la frontière de l’agroalimentaire et de la chimie avec la fabrication, par voie biologique et chimique, de molécules à usage non exclusivement alimentaire. C’est le cas de l’industrie de l’amidon qui, à partir de l’amidon de blé, de maïs ou de pomme de terre, donne naissance à une gamme de produits très variés: sorbitol, fructose, acides gluconiques et lactiques et leurs dérivés. La conversion en fructose du glucose issu de l’amidon de maïs est, au point de vue des tonnages traités, un des premiers procédés bio-industriels. La fabrication des acides aminés par fermentation ou conversion enzymatique a donné naissance, depuis 1960, à une industrie prospère dominée par les entreprises japonaises. De nouveaux matériaux font leur apparition; ce sont des polyglucides ou polysaccharides (polytran, dextran, xanthane, pullulan, curdlan) obtenus par fermentation et utilisés comme épaississants de liquides alimentaires ou industriels, comme matériaux plastiques biodégradables ou comme additifs dans les fluides destinés à la récupération assistée du pétrole.

Enzymes et intermédiaires chimiques

Les enzymes sont des protéines macromoléculaires qui catalysent la quasi-totalité des réactions chimiques dans les organismes vivants. Les enzymes isolées peuvent être utilisables soit directement dans des secteurs industriels variés (détergents, textile, cuir, médicaments, papier, alimentation), soit indirectement, comme catalyseurs dans les processus biochimiques. Elles possèdent une spécificité remarquable qui leur permet de différencier des molécules aussi voisines que les stéréo-isomères; stabilisées par immobilisation sur un support inerte, elles ont ouvert la voie aux procédés de fabrication en continu capables de traiter des volumes importants de réactifs. Cependant les enzymes ont leurs propres limitations dues à leur sensibilité aux hautes températures, aux variations de pH et aux agents chimiques. De plus les réactions enzymatiques nécessitent souvent la présence de coenzymes consommées pendant la réaction et dont la régénération s’avère coûteuse. C’est pourquoi les procédés enzymatiques peuvent être compétitifs ou complémentaires de processus chimiques classiques, mais, en pratique, ce sont des réactions d’hydrolyse qui ont été industrialisées car elles ne nécessitent pas la présence de coenzymes.

Les enzymes libérées ou liées dans les cellules ou les micro-organismes vivants constituent des auxiliaires extrêmement puissants pour mettre sur pied une chimie organique de synthèse à partir de la biomasse. Il fut un temps où le butanol, l’acétone et le glycérol étaient obtenus industriellement par voie biologique. Ces procédés ont été en général délaissés au profit de la pétrochimie, mais ils peuvent reprendre de l’intérêt en cas de renchérissement du pétrole ou d’incertitudes liées à son approvisionnement. Un grand nombre de composés organiques aliphatiques (solvants, acides organiques) pourraient être produits avantageusement par voie biologique à condition de disposer de matières premières abondantes et à bas prix. Parmi les substrats possibles figurent la cellulose, le bois, le méthanol issu du gaz naturel ou du charbon, les pailles et les déchets amylacés. Il est probable cependant que les procédés biologiques de fabrication d’intermédiaires chimiques ne passeront au stade industriel que très progressivement. À moins d’une situation de crise pétrolière, les industriels préféreront amortir au maximum les installations lourdes basées sur la pétrochimie et qui ont déjà fait leurs preuves.

Production d’énergie, dépollution et traitement des minerais

Les biotechnologies apportent des éléments de réponse aux grands problèmes socio-économiques liés à la protection de l’environnement et au caractère limité des ressources en hydrocarbures et en minerais du sous-sol de notre planète.

Les différents «chocs pétroliers» ont entraîné la recherche de nouveaux carburants à partir de la source renouvelable que constitue la biomasse.

La fermentation méthanique, qui met en œuvre des digesteurs utilisant des bactéries méthanogènes anaérobies, s’avère particulièrement intéressante pour fournir un appoint énergétique dans les exploitations agricoles. Le méthane est également un sous-produit de l’épuration biologique des eaux usées. Recueilli, il peut assurer une partie des besoins énergétiques des stations de traitement des eaux.

Les procédés biologiques de lutte contre la pollution des eaux font l’objet de recherches très actives, soit en réalisant des mélanges de souches bactériennes capables de dégrader les rejets d’hydrocarbures ou les composés aromatiques et linéaires présents dans les eaux usées industrielles, soit par la mise au point de souches ou d’enzymes susceptibles de réagir sur des molécules toxiques (pesticides, composés chlorés, phénols, sulfures) ou d’extraire du milieu des ions métalliques toxiques (mercure, chrome). Les sondes à ADN et les méthodes d’amplification géniques sont maintenant utilisées pour contrôler la présence et l’évolution des micro-organismes pathogènes dans les sols et les milieux marins ou lacustres (biomonitoring).

Les microbes peuvent être également utilisés pour le traitement des minerais. Dès l’an 1000 avant J.-C. les peuples du bassin méditerranéen semblent avoir récupéré le cuivre à partir des eaux de drainage des mines; ils ignoraient que des bactéries intervenaient dans ce processus en convertissant le sulfure de cuivre en une forme soluble, entraînée par l’eau de lessivage. Ce procédé, appelé aujourd’hui «biolixiviation», est de nature très complexe, il fait intervenir des bactéries présentes naturellement dans le milieu. La biolixiviation pourrait s’appliquer à un grand nombre de minerais, notamment les minerais sulfurés de nickel, zinc, plomb, cobalt, vanadium. Pour des raisons économiques elle est surtout utilisée à l’heure actuelle pour les minerais de cuivre et d’uranium.

3. L’avenir des biotechnologies

Après avoir fait l’objet d’espoirs parfois excessifs, les biotechnologies ont confirmé leur puissance dans la maîtrise et l’analyse du fonctionnement du vivant. Outre l’amélioration des techniques de production de biens et de services, les biotechnologies et la biologie moléculaire donnent maintenant à l’être humain les outils qui lui permettent de modifier non seulement le monde animal et végétal mais aussi son propre patrimoine génétique. Comme toutes les sciences et les techniques innovantes, elles suscitent des interrogations et exigent un développement maîtrisé dans le respect de l’homme et de son environnement.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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